Les 4 gagnants du concours des 10 mots de la musique vous font partager leurs textes

Lauréate des « jeunes plumes » Joséphine Canu (13 ans)

La Musique et les mots

« Quand tu veux », me lance Maël avec ce petit air satisfait que je ne supporte pas.

Je caresse les touches noires et blanches du clavier et commence à jouer une mélodie douce, presque une berceuse. Comment me suis-je retrouvée, moi, Sidonie Lebrun, sans doute l’élève la plus admirée du collège, et dont la renommée dépassera bientôt, j’en suis certaine, les frontières de Pont-les-bains, en compagnie de ce garçon dont l’intelligence n’égale même pas celle d’une limace de mer, je n’en ai pas la moindre idée. Cependant, ce que je sais, c’est que je vais donner une bonne leçon à ce petit coq aussi prétentieux qu’immature, qui m’a provoquée alors que je venais de finir mon cours de piano — dont je me suis, au passage, brillamment sortie. Il a osé me dire qu’il se croit capable de me surpasser en matière de musique, ce sale putois ! Qu’à cela ne tienne, décidant de lui prouver ma supériorité, j’ai déterré la hache de guerre en lançant une véritable battle musicale. Surpris par mon choix de mélodie — eh oui, la délicatesse, ce n’est pas vraiment le point fort des garçons — il se met à taper comme un bourrin sur sa batterie. Férocement, je réplique en lançant un rythme plus effréné encore. Des accords mineurs plaqués sur les touches de mon instrument de la main gauche, quelques notes assorties d’appoggiatures bien pensées de la main droite, et le tour est joué ! Voilà ma berceuse transformée en un swing ! L’air est plutôt entraînant et j’entends que Maël accélère son propre tempo pour se mettre en accord avec le mien. En tournant la tête vers lui, je remarque tout à coup qu’il me sourit, béat. Quel idiot ! Je change un peu d’air et tente de me remémorer les quelques mesures de la « Danse des chevaliers » de Prokofiev. La première portée me revient rapidement en mémoire et, par une petite transition — ingénieuse, on est forcé de l’admettre —, je sors de mon swing pour jouer cette fameuse pièce de musique classique. Je doute qu’un crétin tel que Maël la connaisse, lui qui écoute plutôt de ces musiques où l’on dirait que l’artiste chante avec un caramel mou impossible à mâcher dans la bouche, tant il est difficile de comprendre ce qu’il baragouine.

Quelques petits couacs se font entendre à la batterie tandis que Maël tape sur ses tambours, ses cymbales qu’il appelle « crash » ou « ride », ses boîtes de conserve et tout le tralala. Il peine à me suivre ? J’en suis ravie. Je l’achève avec la Fantaisie-Impromptu de Chopin, et il est bien obligé de déclarer forfait. Un sourire triomphant sur le visage, je me tourne vers lui pour qu’il reconnaisse mon talent.

« Tu joues plutôt bien, finalement, admet-il — Ce n’est pas trop tôt ! — On devrait jouer en duo. »

***

Sidonie… Ça fait des mois que je la vois dans tous mes rêves. Elle est brune, elle a les yeux bleus comme l’eau d’une piscine et un petit nez retroussé, un peu comme celui de Kiki, mon lapin en peluche. Elle est dans le même collège et dans la même école de musique que moi. Je joue de la batterie, et elle, du piano. Et il faut absolument que je trouve un moyen de me rapprocher d’elle. Mes copains m’ont mis en garde plusieurs fois :

« Fais attention, cette fille, c’est un vrai poison ! m’a averti Levon.

– Ouais, elle se la joue en mode grande pianiste, mais en vrai, c’est rien qu’une bêcheuse, a renchéri Nolan.

– En plus, elle a eu un demi-point de moyenne générale de plus que moi ! » a tenté de me convaincre Théophile, qui est le premier de la classe depuis la crèche.

Mais je suis toujours aussi décidé. Donc, le jeudi soir, je l’attrape, mine de rien, juste quand elle sort de son cours de piano, comme si, par le plus grand des hasards, on se retrouvait au même endroit, au même moment sans avoir rien prévu — ça se passe toujours comme ça dans les séries romantiques que ma sœur, Luna, regarde —, même si, en vrai, je l’attends depuis une demi-heure déjà (si ça, ce n’est pas une preuve d’amour ! J’en connais qui n’auraient même pas eu le courage de rester plus de deux minutes !). Quand je l’aperçois, je prends mon sourire le plus charmeur, celui où on ne voit que la moitié de mes dents étincelantes. Ça, ça va forcément la faire craquer. Il faut dire que j’ai de l’expérience, je sais très bien m’y prendre avec les filles. Elle ne m’a sans doute pas vu, car à peine tourne-t-elle la tête dans ma direction qu’elle la détourne d’un coup. Serait-elle insensible à mon charme évident ? Heureusement pour moi, je ne me démonte pas. Au contraire, j’applique directement la première phase de mon plan cent pour cent gagnant : la flatterie. Les filles ADORENT qu’on les flatte, croyez-moi, je suis expert en la matière.

« Eh, Sidonie ! l’interpellé-je. Il paraît que tu joues du piano. Si ça se trouve, tu es presque aussi douée que moi ! En fait, moi, c’est Maël, mais je parie que tu le sais déjà !

–  Comment ça, presque aussi forte que toi ? me coupe-t-elle. Je te signale que j’ai gagné la scène des talents du collège trois années de suite !

– C’est parce que je n’ai pas participé, plaisanté-je.

– Si tu as du temps à perdre, me défie-t-elle en plissant les yeux, sans doute pour mieux observer les miens, de couleur noisette, la plus rare au monde — c’est prouvé scientifiquement —, viens te faire écraser. On va faire une battle.

– OK, que le meilleur gagne ! » acquiescé-je, ravi de constater qu’elle a le sens de la compétition.

Mon plan marche du tonnerre ! C’est la première fois qu’on s’adresse la parole et on joue déjà ensemble ! Elle commence à jouer un truc trèèèèèèèèès leeeeeeeeeent de je ne sais quel vieux pianiste à la toute fin de sa vie. Cette fille est donc du genre à chantonner des opéras, genre Chopin ou Mozart, en se brossant les dents… Tout à fait mon style. Pour rythmer un peu son machin préhistorique, je l’accompagne. Et là, surprise ! Elle change direct de morceau, et joue maintenant un truc de jazz, juste quand je modifie mon tempo. On est hyper connectés ! Elle ne doit pas trop le maîtriser, parce qu’il y a des notes qui sonnent bizarrement entre elles. Heureusement, je sais m’adapter. Je suis son tempo et miracle ! Elle me regarde enfin ! Sans perdre mes esprits, je lui décoche un sourire en feignant d’être admiratif, la phase deux du programme. Rougissante, elle se retourne vers son piano et change d’air pour un truc encore plus rapide, sans doute pour m’impressionner… Je l’accompagne et fais semblant d’être perdu pour la laisser gagner — ça marche toujours, de laisser les filles croire qu’elles sont meilleures que vous. Elle se lève et son visage rayonne de fierté. C’est dans la poche ! Même pas eu besoin de recourir à la phase « provocation » ! Je finis en beauté en la félicitant :

« Tu joues plutôt bien, finalement. On devrait jouer en duo. »

 

Lauréats « adulte » : Julien Grassot

L’aube

Le silence de l’aube, un instant suspendu où chacun retient son souffle avant le premier rayon du jour. Bientôt le paysage s’animera, bientôt l’air se remplira d’une mélodie portée par les piafs, les grenouilles et les insectes. Mais avant cette cohue organisée, le silence… Pas une note, pas un son, pas même un bruissement de feuille. Rivé sur l’horizon quiconque attend de faire résonner son instrument.

Et lorsque le ciel se colore, lorsque le premier rayon habille le matin, tous entonnent en rytme et en chœur le ramage du petit jour. Pas un vacarme, non plus une berçeuse, ni un brouhaha, mais une symphonie orchestrée par l’avancée galopante du jour. C’est la chorale des étourneaux, qui la première, enchaine ses tralalas dynamiques, ponctués par le cri strident du Pic noir. Le soliste criquet frotte sa carapace donnant le tempo au quatuor de rainettes vertes. Les pinsons font valoir leur territoire et se répondent tel un duo : tirichi tchi, tirichi tchi. Alors que les crapauds tout juste réveillés font vibrer l’air avec leurs couacs graves, les moineaux se chamaillent déjà un brin de paille.

Le jour est levé, l’aube n’est plus, la vie est repartie.

Thierry Tirel :

Mots et musique

J’ai ce petit rythme au creux du ventre,

Ce doux air chevillé au corps,

Une tendre berceuse dans le cœur.

Cette petite mélodie, c’est avec Mélodie, que je voudrais la porter, sur la portée de nos vies.

Saurons-nous accorder nos instruments ?

Faire taire les quelques couacs inhérents à tout duo.

Pour que nos silences et tralalas se répondent en façonnant une symphonique note !

Musique et couac

Dans mon esprit, comme une petite mélodie,
Mais couac !
Dans mon cœur, comme un petit air effarouché,
Mais couac !
Dans mon corps, comme un petit rythme doux,
Mais couac !
Faudrait que j’traduise cela sur une portée,
Mais couac !
Faudrait que j’pose les doigts sur un instrument,
Mais couac !
Faudrait que j’trouve un duo pour m’accorder,
Mais couac !
Faudrait pas que j’chante seul sous ma douche,
Tralala  la, la, la,…

Christelle Blanc :

À chacun sa musique

 

Comme une mélodie, la vie a ses tempos :

Du spleen pianissimo à la joie crescendo,

Ses éloquents vacarmes, ses effets de tambour,

Ses précieuses pavanes, ses pas de valse glamours !

 

D’abord jolie berceuse, elle part avec brio :

Vive les années d’école, des rires sous le préau !

Parfois l’on se chamaille en jouant dans la cour ;

Ce sont les premières notes qui marquent notre séjour !

 

Puis sonnent l’adolescence, les rimes de Rimbaud,

Les airs un peu rebelles, les ardents trémolos ;

C’est alors que les couacs viennent nous faire la cour :

De tout petits bémols à prendre avec humour !

 

Arrive sur la portée la question du boulot :

C’est le grand tralala pour gagner des lingots !

Pas facile de tenir le rythme tous les jours ;

La musique s’emballe sans possible retour !

 

Déjà le crépuscule avant le grand repos ;

La vie passe trop vite, son tempo va presto !

L’instrument se dérègle, voilà le temps qui court ;

Alors profitons bien car le voyage est court !

 

Que l’on soit rock’n’roll ou notoire soprano,

Tous dans la farandole, à chacun son crédo !

Dansons la carmagnole avec tous nos atours :

Grands virtuoses nous sommes, le show vaut le détour !

 

À chacun de jouer sur son propre piano

Et battre à sa mesure jusqu’au mode allegro,

Trouver les intervalles entre labeur et l’amour,

Du prélude infantile aux sonates des vieux jours !

 

Accordons nos violons, en fuyant les pipeaux !

Chantons a cappella, en solo, en duo !

Soyons le chef d’orchestre de notre vivant parcours ;

Que la quête d’harmonie en épouse les contours !

 

Chaque voix est singulière, déjouons les échos ;

Mettons donc un point d’orgue à écrire le morceau !

Restons bien dans les cordes, ajustons le séjour ;

Sans perdre la cadence de notre cœur troubadour !

 

  Solene et Sigrid du Duo Mi-ombre Mi Soleil

 

 

 

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